La posture
du coach : renoncer au besoin de contrôle et à l’impatience, co-apprendre l’art de la
relation.
Je possède deux qualités à proscrire en tant que coach : le besoin
de contrôle et l’impatience. Il me faut tout, tout de suite et si
possible…avant-hier…folie de l’impatience ! Pour me sentir bien, c’est à
dire me sentir libre, j’ai besoin de contrôler, besoin d’anticiper, de
comprendre…folie du contrôle !
Alors dans l’impatience et le contrôle comment donner de la place à
l’autre ? Comment accueillir la rencontre ? Quelle relation ? Peut-être
en étant le coach, gardien du cadre.
Lorsque j’arrive en séance, je goûte l’instant présent, déploie et
ouvre mes sens. J’arrive dans la gourmandise de l’imprévu. J’accepte de
descendre du tapis roulant du temps. Je mets de côté les repères spatiaux et
temporels qui structurent ma vie et me rassurent. J’accepte de ne plus prévoir,
de ne plus anticiper. Je suis d’accord pour me laisser surprendre ! Je
suis d’accord pour m’offrir en pleine conscience. Je suis d’accord pour m’abandonner
en pleine présence. Quel chemin allons-nous parcourir, coaché et coach, durant
l’heure et demie à venir ? Je l’ignore.
Comme convenu nous nous retrouvons rue des Petits-Champs, une petite
rue parisienne qui se cache derrière le Palais Royal. Selon les circonstances,
dans cette rue, il y a du sable, la montagne, la mer ou bien la forêt…parfois
tous ces paysages se présentent, défilent, parfois c’est un arrêt sur image,
sur un coin de votre vie. Nous nous retrouvons à l’orée de la clairière et
commençons à cheminer. Parfois une larme survient, ou bien, c’est un éclat
de rire. Il y a de la maladresse, aussi. Nos regards s’interrogent, nos âmes
vibrent et s’ajustent. Cette route là, devant nous, devant moi, je l’ignore. Je
ne l’ai jamais prise. Nous n’y passerons qu’une seule fois, vous et moi.
Nous nous prenons la main et je dois dire que ce qui se passe me décontenance,
me déconcerte. Quelle est donc cette danse, quelle est donc cette marche, qui
fait fi des règles élémentaires des danses de salon ? Il n’y a donc pas de
cavalier conducteur ? Je m’incline vers vous et vous propose ce geste,
vous m’offrez cette parole. Voici qu’une sensation vous traverse, je
l’accueille et tournoie. Je vous la renvoie, ou pas. Petit à petit, au fil des
séances, je comprends qu’ici, le rôle de conducteur est à prendre en alternance
voire…simultanément…dans un double lâcher prise, dans un double renoncement,
dans une belle humilité, une humilité souvent douce et riante. La belle
simplicité de cette danse, rare, où le conducteur n’est pas d’usage.
Oh bien entendu, la simultanéité du lâcher-prise n’est pas chose
facile ! Nous allons l’expérimenter et serons attentifs à ce qui viendra…
Nous parcourons une portion de cette forêt unique. C’est la forêt de
votre projet, la forêt d’une portion de votre vie. Nous parvenons à une grande
clairière, au milieu de celle-ci se trouve une toile posée sur un chevalet. A
côté de ce chevalet, une petite table, le nécessaire du peintre et…un seul
pinceau. Alors côte à côte, alors l’un après l’autre, nous peignons, nous
traçons des signes. Le pinceau glisse, des traces de gestes libres, de pure
création. Vous tracez cette courbe blanche sur un fond, gris. Cette courbe
zigzague, le pinceau glisse. Il tourne, retourne et contourne. En silence, vous
me passez le pinceau, je prolonge votre trait. Je l’entoure de quelques points,
certains s’exclament, d’autres s’interrogent. Je vous redonne le pinceau.
D’une séance à l’autre, le rythme varie. Il s’accélère, il ralentit. J’accélère,
vous ralentissez ! Vous accélérez, je freine ! Mais le plus souvent,
au bout de quelques dizaines de minutes, le « nous » vient, nous
devenons synchrones dans une relation plus fluide. La survenance de la fluidité,
je la souhaite et sais bien qu’elle n’est pas obligatoire. Moins je la
souhaite, plus elle s’installe ? Ce qui advient dans l’établissement de ce
nous, est riche d’enseignement. Quel que soit le tempo de la relation coach-coaché,
il est vrai que le coaching fait parti de ces échanges qui permettent
l’apprentissage du « nous ». Ici le nous a toute sa place, il prend le
dessus sur vous et moi. Nous apprenons vous et moi à être attentif à ce nous, à
lui laisser toute la place qu’il souhaite. Il se déploie. Cet apprentissage du
nous du coaching, est un apprentissage plus général de la relation, d’un mode
de relation à déployer dans d’autres cadres comme la vie professionnelle,
notamment.
Parfois il nous faut du temps pour entrer en relation, pour trouver
notre bon tempo. Parfois nous dansons synchrones, nous touchant à peine. Vous
et moi, c'est toujours la première fois de l’instant présent et pourtant nous
apprenons à nous connaître. Oui, un apprivoisement de l’être ensemble s’opère.
A chaque relation, sa danse. A chaque relation ça danse !
Dans l’accompagnement de l’autre, il n’y a pas de bon rythme de
référence. Le bon rythme est celui qui s’instaure, petit à petit, au fil des
séances. Dans l’accompagnement de l’autre, le coach peut proposer un ajustement
du rythme par son écoute. Il n’impose par un rythme mais le propose et le
réglage intervient, ou non.
Lâcher-prise mon besoin de contrôle, renoncer à mon impatience,
co-apprendre l’art de la relation sont au cœur de mon activité de coach.
Un grand merci à Gaëlle Piton m’avoir fait découvrir cette chanson
de Maurane qui a joliment cadencé l’écriture de ce texte.
Les Pavillons-sous-Bois, le samedi 29 juin 2013 au petit matin.
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